Ah, le chleuasme ! Quelle magnifique figure de style ! Les réseaux sociaux l’ont érigée, à l’insu de leur plein gré, comme la figure de style de ce début de siècle. Et si on arrêtait ?
Définition : Le chleuasme (du grec chleuasmos : ironie, sarcasme) est un procédé rhétorique consistant à se déprécier par fausse modestie pour tenter de mieux convaincre ou pour recevoir des éloges. (Source : Wikipédia. On a les références qu’on mérite)
Autant aller droit au but : « chleuasmer », c’est se mettre en mode « Mimi Geignarde ». Je sais, j’y vais un peu fort. Mais, on est entre nous : c’est agaçant, non ? Que celui qui n’a jamais levé les yeux au ciel à la vue d’une naïade se plaignant d’un bourrelet imaginaire me jette la première pierre. J’attends toujours.
Ça, c’est le chleuasme frontal, je dirais même le chleuasme assumé. Craché sciemment par le braqueur de compliments. Mais il en est un plus vicieux, bien plus subtil : le chleuasme inconscient. Mode psychologie de comptoir enclenché.
Dans certains cas, le recours à cette figure de style cache un profond manque de confiance en soi chez le pendard. Il cherche, par ce biais, à se rassurer plus qu’à se faire mousser. Quoi que. Mais puisque le doute doit toujours bénéficier à l’accusé… Ainsi soit-il.
Arrête de pleurer, Pénélope !
Dans le microcosme des auteurs, l’épidémie fait rage. Les « je n’arriverai jamais à terminer mon roman » déclenchent immédiatement une déferlante de réponses compatissantes. « Mais si, tu vas y arriver ! », « Ne baisse pas les bras ». Le réconfort, c’est bien, c’est important, et ça motive. Mais ces mots sont comme des pansements : ils rassurent, mais ils cachent la misère. Et si le mal était plus profond ?
L’étalage en temps réel des exploits de chacun ne contribue-t-il pas à aggraver le phénomène ? M’est avis que oui. Lorsque Corinne prétend avoir vendu 243 livres, Paul assure en avoir écoulé le double. Et si Kevin annonce avoir écrit 3.000 mots, Brenda en aura forcément pondu 4.000. Début de la surenchère.
Évidemment, le petit Martin, avec ses malheureux 236 mots et ses 38 romans fourgués, se sent comme la dernière roue du carrosse : le chleuasmeur inconscient souffre de la confiance affichée par les autres.
Un jeu de dupes
Martin, garde la pêche ! Les sprinteurs courent vite, mais moins longtemps : ne confonds pas l’être et le paraître, concentre-toi sur ce que tu as, pas sur ce que les autres prétendent avoir (cœur avec les mains).
Je soupçonne, à ce titre, certains sprinteurs de faire partie de la joyeuse bande. Je vous présente : le chleuasmeur refoulé. Oh ! Joie ! Ne le traitez pas de fourbe, il est ignorant du mal qui le ronge. Celui-là fait de grands gestes avec les bras, et du bruit avec la bouche pour faire taire le doute qui grandit en lui. Chacun sa méthode.
Je vous vois former une armée revancharde : je dois, moi-même, parfois (souvent ?) me rendre coupable de chleuasme. L’inconscient, pas le frontal. Mais quitte à se fourvoyer, autant avoir le chleuasme efficace, non ? Et l’imposer à des gens qui sauront vraiment nous secouer ou nous rassurer. Pour ma part, une bonne secousse fera l’affaire.
Donc, si après cette tribune à charge, vous me surprenez à céder à cette coquetterie déguisée, sentez-vous libres de m’envoyer un cinglant « arrête de chleuasmer ». Je l’aurai bien mérité !
N’oubliez pas de boire un peu, et de lire beaucoup !
J’espère que cet article vous a plu. Mes billets n’ont aucune valeur d’exemple, je me contente d’y raconter une expérience : la mienne. N’hésitez pas à me laisser un petit commentaire juste en dessous, et à me dire quels thèmes vous souhaiteriez que j’aborde sur mon blog ! À très vite pour un nouvel article !
Bravo pour cet article souriant. Je ne vois pas de mal à aller chercher des encouragements. En revanche, la surenchère, ce n’est pas cool.
Merci pour ce commentaire, Catherine. Effectivement, je ne jette la pierre à personne, les encouragements rassurent, donnent parfois la petite impulsion qui nous manque !