La rentrée est loin derrière mais aujourd’hui, mes souvenirs ont refait surface. Ceux de mon institutrice de CM1.
Elle a changé le cours de ma scolarité, mais le sait-elle seulement ? J’aime à croire que oui. Elle a souvent étouffé mes doutes et mes sanglots au creux de son épaule. Essayé de réparer les mauvaises expériences de mes premiers pas d’écolière. À force de bienveillance, d’encouragements incessants malgré les réponses barrées sur les copies qu’elle me rendait, elle y est parvenue.
Je me suis souvent sentie indigne de son exigence. Elle était pourtant sa plus belle marque de confiance.
J’ai dû l’agacer, parfois, lorsque j’accaparais ses récréations. Elle n’en a jamais rien montré.
Elle était mon phare, mon repère.
Elle a construit l’élève que je suis devenue, m’a armée d’une confiance qui me faisait défaut. Cette confiance m’a permis de ne pas sombrer l’année suivante, ni celles d’après lorsque, parfois, j’ai dû faire face à des difficultés qui me paraissaient insurmontables.
Sa voix et ses paroles ont souvent résonné en moi. Et raisonné mes doutes. Son visage poupon m’apparaissait alors, barré de son sourire solaire. Elle s’appelait Agnès. Elle avait 24 ans.
Destin brisé
Je me souviens combien j’ai pleuré à la fin de mon année de CM1. Je savais qu’elle ne serait pas mon institutrice l’année suivante ; j’espérais pouvoir croiser son regard, continuer à accaparer ses récréations. Elle nous a annoncé son départ de l’école quelques jours avant les grandes vacances, les yeux brillants. Puis son sourire, indéfectible, a pris le relais pour effacer nos larmes.
Je me souviens combien le changement a été brutal à la rentrée suivante. Elle m’y avait préparée. Les mots ont du poids ; les siens en ont eu plus que ceux de ma nouvelle maîtresse, acariâtre et cassante.
Je me souviens comment, ce matin d’octobre, notre institutrice de CM2 nous l’a annoncé froidement. « Mlle G. a eu un accident de voiture ». À nos questions et notre inquiétude, légitime, elle a répondu laconiquement « Elle est décédée ». S’est agacée de nos larmes. Les mots ont du poids. Les silences aussi.
Merci maîtresse
J’aimerais lui dire qu’elle a certainement sauvé ma scolarité. J’aimerais qu’elle sache que, sans elle, je n’y serais peut-être pas arrivée. Je voudrais dire à ses proches, à ceux qui l’ont connue et aimée, combien elle a marqué ma vie de son empreinte.
J’ai versé quelques larmes en ressortant mes archives.. Mais j’ai aussi beaucoup souri en réponse au sien, qui s’affiche sur les photos que j’ai d’elle. Mes souvenirs sont intacts, vingt-huit ans plus tard. Ma gratitude ne faiblit pas à mesure que le temps passe. Elle s’appelait Agnès. Elle avait 24 ans. Sans elle, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui.
J’en suis bouleversée…
Effectivement, il y a des gens qui marquent positivement (et négativement à l’image du monstre d’égoïsme de ta maîtresse de CM2).